Conduite et cannabis : ce que dit vraiment la loi française sur le THC et le CBD au volant

THC au volant : ce que prévoit réellement le Code de la route

En France, la consommation de cannabis contenant du THC (tétrahydrocannabinol) et la conduite sont strictement encadrées par le Code de la route. Le THC est classé comme stupéfiant, et la loi applique un régime de tolérance zéro pour les conducteurs.

L’article L235-1 du Code de la route précise que le fait de conduire un véhicule « en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants » est un délit, indépendamment de tout signe d’ivresse ou d’accident.

L’article L3421-1 du Code de la santé publique rappelle, de son côté, que l’usage illicite de stupéfiants est interdit, ce qui inclut le cannabis riche en THC (fleurs de cannabis, résine, concentrés, etc.).

La réglementation applicable au dépistage et aux seuils analytiques est précisée par :

  • Le décret n° 2016-1152 du 24 août 2016 relatif aux contrôles salivaires de stupéfiants pour les conducteurs.
  • L’arrêté du 13 décembre 2016 fixant les concentrations minimales de stupéfiants à partir desquelles les analyses sont considérées comme positives (pour le THC : 1 ng/mL de sang total).

En pratique, cela signifie que :

  • Il n’existe pas de « seuil légal » de THC autorisé au volant, comme c’est le cas pour l’alcool.
  • La simple présence de THC au-dessus du seuil analytique suffit à caractériser l’infraction.
  • La loi ne distingue pas un usage médical ou « récréatif » de cannabis : toute présence de THC d’origine stupéfiante est sanctionnable.

Comment se déroulent les contrôles routiers pour le cannabis ?

Les forces de l’ordre (police, gendarmerie) disposent aujourd’hui de plusieurs outils pour vérifier la présence de THC chez les conducteurs.

Les modalités de contrôle sont encadrées par les articles R235-2 et suivants du Code de la route, ainsi que par le décret n° 2016-1152 précité.

En général, le déroulement est le suivant :

  • Contrôle routier classique : la vérification peut être aléatoire ou motivée par une infraction (excès de vitesse, comportement suspect, accident, etc.).
  • Dépistage salivaire : un test salivaire est réalisé au bord de la route pour rechercher la présence de stupéfiants (dont le THC).
  • En cas de test salivaire positif : une seconde analyse est pratiquée (analyse sanguine ou second test confirmé en laboratoire) pour déterminer la concentration exacte en THC.
  • Retrait immédiat du permis : le préfet peut suspendre à titre conservatoire le permis de conduire dans l’attente des résultats définitifs.

Les contrôles peuvent être effectués :

  • En cas d’accident matériel ou corporel.
  • Lors de contrôles ciblés, opérations de prévention ou de répression.
  • De façon aléatoire, comme c’est le cas pour l’alcoolémie.

Sanctions encourues en cas de THC au volant

La conduite après usage de stupéfiants est un délit, et non une simple contravention. Les sanctions sont prévues par l’article L235-1 du Code de la route et peuvent être lourdes :

  • Jusqu’à 2 ans d’emprisonnement.
  • Jusqu’à 4 500 € d’amende.
  • Retrait de 6 points sur le permis de conduire.
  • Suspension du permis pouvant aller jusqu’à 3 ans (souvent immédiate à titre administratif, puis judiciaire).
  • Annulation du permis avec interdiction de repasser l’examen pendant une durée pouvant aller jusqu’à 3 ans, dans certains cas.
  • Peines complémentaires possibles : stage de sensibilisation, travail d’intérêt général, immobilisation ou confiscation du véhicule.
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Lorsque l’usage de stupéfiants est combiné à une alcoolémie délictuelle, les sanctions sont encore plus sévères : l’article L235-1-1 du Code de la route prévoit alors jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 9 000 € d’amende, outre les autres peines.

Il est important de noter que la responsabilité pénale du conducteur peut être aggravée en cas d’accident grave (blessés ou décès), avec d’éventuelles poursuites pour blessures involontaires ou homicide involontaire sous l’empire de stupéfiants (articles 221-6 et suivants du Code pénal).

CBD au volant : un cadre juridique différent, mais des zones de risque

Le CBD (cannabidiol) n’est pas classé comme stupéfiant en France ni au niveau européen. Il s’agit d’un cannabinoïde non psychotrope, présent dans la plante de chanvre (Cannabis sativa L.), dont les effets diffèrent nettement de ceux du THC.

Le cadre juridique du CBD repose principalement sur :

  • Le règlement (UE) n° 2021/2115, qui fixe notamment le seuil maximal de THC à 0,3 % pour le chanvre agricole.
  • L’arrêté du 30 décembre 2021 relatif au chanvre, modifié, qui autorise la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale de certaines variétés de chanvre, à condition que :
    • Les variétés soient inscrites au Catalogue commun des variétés de l’Union européenne.
    • La teneur en THC des plantes sur pied ne dépasse pas 0,3 %.
  • L’interprétation de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne), notamment dans l’arrêt Kanavape (C-663/18, 19 novembre 2020), qui considère le CBD comme un produit ne pouvant être assimilé à un stupéfiant lorsqu’il est légalement produit dans un autre État membre et ne présente pas d’effets psychotropes significatifs.

Cependant, cette légalité du CBD ne signifie pas pour autant qu’il n’y a aucun risque lors d’un contrôle routier :

  • De nombreux produits « CBD » contiennent des traces de THC, même en dessous de 0,3 %.
  • Une consommation importante et régulière de produits mal contrôlés peut, en théorie, conduire à un test salivaire positif au THC.
  • Les tests rapides utilisés sur le bord de la route ne font souvent pas la distinction entre THC d’origine « légale » ou « illégale » : seule compte la présence du principe actif.

La loi française ne prévoit aujourd’hui aucune exemption spécifique pour le conducteur qui aurait consommé uniquement du CBD mais serait positif au THC suite à des traces dans les produits.

Cannabis médical : que se passe-t-il pour les patients au volant ?

La France a mis en place une expérimentation encadrée du cannabis médical par la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, puis par plusieurs arrêtés de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Certains patients, dans le cadre de pathologies graves, peuvent ainsi se voir prescrire des médicaments contenant du THC et du CBD.

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Pour autant, en matière de conduite :

  • La présence de THC dans le sang ou la salive est toujours susceptible de constituer une infraction, même si le produit a été prescrit médicalement.
  • Le Code de la route ne prévoit pas, à ce jour, de dérogation générale pour les patients traités par des médicaments contenant du THC.
  • Comme pour d’autres médicaments pouvant altérer la vigilance (benzodiazépines, opioïdes, etc.), la responsabilité du conducteur reste engagée s’il prend le volant malgré un état incompatible avec la conduite.

Il est donc recommandé aux patients bénéficiant de cannabis médical :

  • De discuter avec leur médecin des risques liés à la conduite.
  • D’éviter de conduire en phase d’initiation de traitement, d’augmentation de dose ou en présence d’effets secondaires (somnolence, vertiges, troubles de l’attention).
  • D’être conscients que, même avec une prescription, un contrôle positif au THC peut entraîner des poursuites pénales.

THC, CBD et aptitude à la conduite : ce que dit la science

Le THC est la principale molécule responsable des effets psychoactifs du cannabis. De nombreuses études scientifiques ont montré que le THC :

  • Réduit la capacité d’attention et la vigilance.
  • Altère la coordination motrice et les réflexes.
  • Modifie la perception du temps et des distances.
  • Augmente le temps de réaction, notamment en cas d’imprévu sur la route.

Ces effets peuvent persister plusieurs heures après la consommation, même lorsque la sensation de « défonce » ou de « high » semble avoir disparu. Certaines études évoquent des altérations subtiles des performances de conduite jusqu’à 6–8 heures après un joint riche en THC, voire plus chez certains consommateurs réguliers.

Le CBD, à l’inverse, n’est pas considéré comme psychoactif au sens classique du terme. Toutefois :

  • À fortes doses, le CBD peut provoquer somnolence, fatigue ou baisse de vigilance chez certaines personnes sensibles.
  • Les interactions entre CBD et THC peuvent moduler les effets ressentis, mais ne suppriment pas totalement l’impact du THC sur la conduite.
  • Les produits du marché sont très hétérogènes : huiles, e-liquides, fleurs, concentrés – avec parfois des teneurs en THC mal contrôlées.

Pour la sécurité routière, les autorités privilégient donc un principe de précaution : toute présence mesurable de THC dans l’organisme d’un conducteur est perçue comme un facteur de risque, et la loi est en conséquence très stricte.

Quelles précautions prendre si vous utilisez du CBD ou du chanvre bien-être ?

Pour les personnes intéressées par le CBD, l’aromathérapie au chanvre ou les huiles à base de cannabis légal, quelques règles de prudence s’imposent avant de prendre le volant :

  • Choisir des produits analysés en laboratoire, avec certificats d’analyse (COA) indiquant clairement :
    • La teneur en CBD.
    • La teneur en THC (idéalement la plus faible possible, et toujours conforme à la loi).
  • Éviter la surconsommation de produits à base de CBD juste avant de conduire, surtout si vous débutez ou êtes particulièrement sensible.
  • Surveiller les effets subjectifs : si vous ressentez une fatigue inhabituelle, une légère ivresse, une difficulté de concentration, ne prenez pas le volant.
  • Être conscient que la légalité du produit ne protège pas d’un contrôle positif au THC si celui-ci en contient des traces détectables.
  • Privilégier les moments où vous n’avez pas à conduire pour tester un nouveau produit ou un nouveau dosage (par exemple le soir à la maison).
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Pour les consommateurs de cannabis riche en THC, la seule stratégie réellement sûre au regard de la loi reste :

  • De ne pas conduire dans les heures qui suivent la consommation.
  • D’éviter totalement la conduite en cas d’usage régulier ou intensif, où les concentrations résiduelles de THC peuvent rester détectables longtemps.

Ce qu’il faut retenir sur la loi française, le THC et le CBD au volant

Le régime juridique français est aujourd’hui très strict concernant la conduite et le cannabis :

  • Le THC est un stupéfiant : toute présence détectable au-dessus des seuils d’analyse fixés par l’arrêté du 13 décembre 2016 expose le conducteur à des poursuites pénales sévères (article L235-1 du Code de la route).
  • Le CBD, lorsqu’il est conforme aux réglementations françaises et européennes (taux de THC ≤ 0,3 %, variétés autorisées, produits contrôlés), n’est pas un stupéfiant, mais :
    • Des traces de THC peuvent entraîner des tests salivaires positifs.
    • La loi ne fait pas de distinction selon l’origine du THC détecté.
  • Les patients en cannabis médical ne bénéficient pas d’immunité spécifique en matière de conduite : la prudence reste de mise.
  • Du point de vue de la sécurité routière, les autorités appliquent une tolérance zéro vis-à-vis de la présence de stupéfiants dans l’organisme des conducteurs, en raison de l’impact démontré du THC sur la vigilance et la capacité à réagir.

Pour toute personne intéressée par les usages du chanvre, du CBD ou du cannabis médical, comprendre finement ce cadre légal permet de faire des choix éclairés et responsables, en particulier lorsqu’il s’agit de prendre le volant. Les connaissances scientifiques évoluent, de même que la réglementation sur le chanvre industriel et le cannabis médical, mais à ce jour, le principe central reste le même : dès qu’il y a THC et conduite, la loi française ne laisse que très peu de marge d’interprétation.